Politique linguistique éducative de mon école: édition 2025-2030

Source de l’image: Tradutec

 

Les programmes d’immersion en français ont été créés au départ pour permettre à la population de langue anglaise issue de la classe moyenne, d’avoir accès à une éducation en français. (Dagenais, 2008). Selon les recherches, nombreux sont les parents qui croient que le fait de parler les deux langues officielles du Canada que sont l’anglais et le français; permettrait à leurs enfants d’avoir un avantage plus tard sur le marché du travail. Une étude menée par des chercheurs en Colombie-Britannique a corroboré ce fait puisqu’elle a montré que la motivation des parents immigrants à inscrire leurs enfants dans les programmes d’immersion en français relevaient de facteurs de mobilité sociale, d’intégration au sein du pays et de raisons économiques. (Mady, C. et al. 2018)

Ainsi, la majorité des élèves en milieu scolaire dans ces programmes d’immersion en français sont plurilingues car ces enfants sont issus de familles immigrantes. La famille ne semble plus être un lieu de socialisation en français, désormais les apprenants dépendent de plus en plus de l’école pour apprendre la langue.

Lorsque nous intervenons en salle de classe, il est intéressant de réfléchir à comment centrer l’élève qui a son identité propre, sa culture; dans la langue qu’il apprend c’est-à-dire la langue de scolarisation. Au niveau de l’apprentissage, quels sont les enjeux pour ces apprenants et les moyens mis en œuvre en milieu scolaire pour leur permettre de répondre aux standards élevés de ces programmes d’immersion française?

Réfléchir à l’élaboration d’une politique linguistique pour mon école me permet ainsi de m’interroger sur les pratiques qui pourraient améliorer les apprentissages des élèves.


Quels sont les objectifs visés par la politique linguistique que je propose?

Tout d’abord, il est important de se demander que veut dire parler en français pour ces élèves? Comment est représentée la langue française dans leur communauté? Ont-ils des référents francophones à qui s’adresser en français à la maison?

La politique linguistique veut pouvoir répondre à ces questions et permettre aux élèves quelque soit leurs profils, leurs expériences et/ ou leur réalité de pouvoir apprendre le français tout en ayant un accès égal aux ressources langagières (Blanchet, 2016) pour pouvoir construire leurs apprentissages.

Il serait intéressant pour ces apprenants que l’apprentissage de la langue seconde se fasse dans des contextes différents et ne soient pas strictement liés à l’école.

C’est d’ailleurs ce que rappelle Duchêne lorsqu’il parle d’investissement langagier. Les élèves doivent avoir envie de s’investir dans cet apprentissage qui durera tout au long de leur vie.


Quels sont les résultats attendus de ladite politique?

Au niveau des élèves:

Les élèves seront amenés à réfléchir sur leurs motivation réelle à apprendre la langue et à se poser les questions suivantes:

  • Pourquoi apprenons-nous la L2?

  • Dans quel but?

  • Quel est notre projet à court et à long terme?

Lorsque j’ai immigré au Canada, et que je suis arrivée en Ontario, je me suis investi dans des cours d’anglais pour pouvoir communiquer et être en mesure de réussir à passer un entretien, et pouvoir m’insérer dans la vie professionnelle. En tant qu 'immigrants, on sait combien il est important de détenir cette première expérience professionnelle qui nous ouvre les portes pour la suite de notre aventure (...). Cet investissement langagier pour ma part a été multiple: des cours de langues, des meetup conversationnels, des petits boulots, lire des journaux, écouter le journal et les séries télévisées pour apprendre le vocabulaire, écouter la prononciation, etc. Et puis très vite, on s’aperçoit que la langue parlée à l’école selon le contexte dans lequel on se trouve, la grammaire apprise, n'est pas forcément utilisable et/ou transférable au quotidien…

Au niveau du personnel scolaire:

La politique linguistique que je propose invite le personnel scolaire à continuer à se former tout au long de leur carrière afin d'être au courant des changements en éducation, de chercher à varier les référents francophones qu’ils proposent en salle de classe car la francophonie est multiple, diverse et plurielle.

Un autre enjeu serait pour le personnel scolaire de s'intéresser toujours un peu plus au groupe d'élèves et notamment en identifiant leurs forces et leurs défis pour les aider à cheminer et à s’investir dans l’apprentissage de la L2. Comme certains auteurs l’indiquent, « l’engagement de l'apprenant dans l’apprentissage d’une langue n’est pas qu’une seule question de motivation individuelle » (Duchêne, 2016) De plus, les chercheurs montrent que les élèves ont de meilleures chances de développer leurs compétences langagières si leur répertoire langagier est pris en compte dans l’enseignement de la langue de scolarisation (Crépeau et al., 2018)


«L’anglais s’attrape, le français s’apprend!»

J’ai souvent entendu cette phrase autour de moi et notamment de la part de parents préoccupés par l’envie de voir leurs enfants réussir dans l’apprentissage du français, car le bilinguisme au Canada serait synonyme de plus d’opportunités notamment sur le marché de l’emploi.

Doit-on pour autant en tant qu’enseignants être engagés dans une tentative de simplification de la langue comme le suggèrent certains professeurs en Belgique? (Escudé, 2020)

Qu’est-ce que cela impliquerait? Les arguments qui pourraient faire pencher la balance vers la simplification de la langue française serait qu’elle serait moins laborieuse à apprendre, plus en lien avec la réalité des apprenants et le contexte dans lequel ils apprennent la langue (je pense ici aux contextes minoritaires, à la prise en compte des réalités linguistiques locales)

À contrario, ne limiterons - nous pas les apprenants à un vocabulaire moins riche, simpliste? Cet usage du français qui « ne s’exporte pas » et peut conduire à une hiérarchisation des façons de parler et de ce fait à une discrimination linguistique serait-il la solution? (Escudé, 2020)


Qui va s'en occuper?

La tâche de mettre en place une politique linguistique incomberait selon moi au Conseil scolaire et à l’ensemble des partenaires en éducation qui ne devraient pas juste être consultés mais investit dans cet effort de proposer aux apprenants évoluant dans un contexte mondialisé d'être inclu dans leur singularité et de pouvoir légitimement créer des liens, affectionner et se reconnaître dans la langue de scolarisation qu’ils apprennent.


Références:

Byrd Clark, J., Lamoureux, S., et Stratilaki, S. (2013) « Apprendre et enseigner le français dans l’Ontario, Canada : entre dualité linguistique et réalités plurielles et complexes », Recherches en didactique des langues et des cultures [En ligne], 10-3

Crépeau, N. et Fleuret, C. L’enseignement du français chez les Premières Nations d’hier à aujourd’hui : défis didactiques, pratiques pédagogiques, et compétence plurilingue. Journal of Belonging, Identity, Language, and Diversity. 2018.

Dagenais, D. (2008). La prise en compte du plurilinguisme d’enfants issus de familles immigrantes en contexte: une analyse de cas, Revue des sciences de l'éducation, 34(2), 351-375. http://id.erudit.org/iderudit/019685ar

Duchêne, A. (2016). Investissement langagier et économie politique. Langage et société, 157, 73-96. https://doiorg.proxy.bib.uottawa.ca/10.3917/ls.157.0073

Escudé, P. 2020. Les langues dans leurs variations et leurs diversités : modalités et enjeux d’une didactique nouvelle. In Forlot, G., & Ouvrard, L. (Eds.), Variation linguistique et enseignement des langues : Le cas des langues moins enseignées. Paris : Presses de l’Inalco.

Mady, C. et al. (2018). Learning more about our learners: Comparing the orientations and attributes of allophone and English-speaking grade 6 French as a second official language learners Alberta journal of educational research. , 2018, Vol.64(1), p.55)

Previous
Previous

La justice dans le domaine de l’éducation au prisme de la différence.

Next
Next

Vérité et réconciliation en contexte éducatif de langue française.