Mon expérience socio-scolaire d’hier à aujourd’hui.

Quand je pense à l’élève que j’étais, je me revois assise sur un pupitre dans une salle de classe en train de refaire le monde avec mes camarades. Mes enseignants de l'époque ne croyaient pas que les discussions que j’entretenais avec les autres avaient un effet réel sur notre vie au sein de la classe ou de l'école; il ne s’agissait que de bavardage!

Je viens d’une famille où on manie la langue, l’utilise pour plaider sa cause ou celle des autres… Mon grand-père était enseignant, ma mère est enseignante et moi, à cette époque, j'étais à mille lieux d’imaginer que j’allais un jour embrasser aussi cette belle profession.

Je dois dire que de nombreux facteurs sociaux ont influencé mon expérience socio-scolaire: ma famille, la langue et la culture pour n’en citer que quelques-uns. La culture, car je suis d’origine béninoise, j’ai eu l’opportunité d'être scolarisée dans une école à Cotonou, au Bénin et de pouvoir apprécier chaque système - le système d’éducation français versus le système d’éducation béninois.

Mon expérience d’élève dans ces deux systèmes m’a permis de voir la place, le rôle qu’a l’élève au sein de l’école et le rôle qu’y tiennent les enseignants. Mais aussi, il est intéressant de voir que les rapports que ces derniers entretiennent aussi avec les élèves diffèrent d’un système à l’autre.

En France, mes enseignants m'incitent à avoir un rôle actif, à m’engager dans mes apprentissages. Ils m’appuient en prenant en compte mes forces et mes défis pour que je puisse apprendre et éventuellement réussir. Au Bénin, mes camarades et moi, sommes supposés tous apprendre de la même façon peut-importe notre propre style d’apprentissage car nous devons absolument réussir… L’enseignant est au tableau, il enseigne - il maîtrise son propos d’ailleurs, il n’y a aucun doute - moi, je suis assise derrière mon pupitre et je copie, copie et copie les déclinaisons latines « rosa, rosa, rosam, rosae (...) ». Je n’avais pas le temps pour débattre, encore moins pour bavarder, il fallait plutôt assimiler, pour bien restituer ensuite. Or, comme le souligne si justement la citation de Benjamin Franklin « Dis-moi, et j’oublierai. Enseigne-moi, et je me souviendrai. Implique-moi et j’apprendrai. »

Dans les deux cas de figure, je dois dire que les enseignants soutenaient l’expérience socio-scolaire des élèves à leur manière et en fonction surtout du contexte dans lequel ils se trouvaient.

Ces expériences m’ont également dès le plus jeune âge permis de me rendre compte de la chance que j’avais d'être scolarisée. La réalité que décrit le professeur Tardif dans son ouvrage sur la profession enseignante et ses luttes contre les inégalités est selon moi plus ou moins mesurable selon le contexte dans lequel on se trouve. Il y a bien des inégalités éducatives qui sont le résultat d'inégalités sociales et qui empêchent, limitent ou affectent l'accès à l'éducation et à l’enseignement.

Aussi, comme le souligne aussi Verhoeven, c’est à l’école - après le cadre familial, si je peux me permettre d’ajouter à son propos - que « la transmission des savoirs, des normes et des rôles sociaux se fait.»

Mais dans les sociétés plus traditionnelles, l’apprentissage qui se fait par imitation m’a amené à me questionner bien souvent sur l’efficacité de l’école dite « moderne». Comment se faisait-il que la voisine d’en face du même âge que moi arrivait déjà à vendre le jus de bissap au marché, à compter la monnaie et à rendre le compte juste sans avoir besoin d’une calculatrice, à promouvoir son petit business, à tenir ses comptes, à parcourir autant de kilomètres à pied sous la chaleur ardente, à épargner alors que, moi, qui était scolarisée avait de la difficulté avec la résolution de problèmes simples, et qui malgré mon physique athlétique n'excellait pas spécialement en sport?

Aujourd’hui, j’enseigne au Canada. Mes élèves et leurs familles viennent de différents horizons, tout comme moi. Mon rôle en tant qu'enseignante est de veiller à ce qu’ils s'épanouissent à l’école, à les accompagner pour qu’ils tissent des liens sociaux avec les autres tout en mettant en place comme le suggère si bien Tardif, un fonctionnement démocratique et respectueux au sein de la communauté scolaire dans laquelle je travaille. Repenser l’enseignement en faisant preuve de pratique réflexive et sortir de sa zone de confort pour proposer aux élèves de vivre des expériences dans des contextes authentiques (par exemple, se rapprocher de la nature en faisant l’école à l’extérieur, etc.).

De plus, je dois dire que ces dernières années, ont marqué l’école, l’ont changé. On peut noter par exemple, que suite à la pandémie de COVID-19, les milieux scolaires partout dans le monde ont dû s’adapter à l’ère numérique pour pouvoir maintenir le lien socio-scolaire.


L’école d’hier n’est certainement pas celle d’aujourd’hui… L’école de demain, je l’imagine encore plus axée sur les élèves et leur bien-être, elle sera aussi je l’espère toujours plus engagée dans un processus de changement pour être suffisamment efficace et plus que jamais inclusive.

Natacha H.


Références:

  • Tardif, M. (2015). La profession enseignante et ses luttes contre les inégalités : un héritage historique en voie de disparition? Dans A. Robichaud, M. Tardif et A.M. Perlaza (dir.), Sciences sociales et théories critiques dans la formation des enseignants (p. 73-103). Québec : Presses de l’Université

  • Laval Verhoeven, M. (2015). Récits contemporains sur la « fin de l’école ». Dans : Bernard Delvaux éd., Réfléchir l'école de demain (pp. 13-30). Louvain-la-Neuve: De Boeck Supérieur. https://doi.org/10.3917/dbu.delva.2015.01.0013"

  • Wallenhorst, N., & Hétier, R. (2021). Des pédagogies pour vivre en anthropocène. Responsabilité & Environnement, (101), 48- 52,89,94,96.

  • Cours EDU 5833 Êducation et changement social

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Vérité et réconciliation en contexte éducatif de langue française.